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faire acte de maîtresse dans la maison jusqu’après la cérémonie, il se soumit docilement.

« Tout se fera comme vous le jugerez bon, Isabel. Je ne vous contrarierai en rien. »

Quelque temps après, le lendemain, il l’assura que, quelles que fussent les dispositions du testament, elle devait se regarder à Llanfeare comme chez elle, aussi longtemps qu’elle voudrait y demeurer.

« Je ne tarderai pas à retourner chez mon père, lui avait-elle répondu. Je partirai aussitôt mes malles faites. Je l’ai déjà écrit à mon père.

— Ce sera comme vous voudrez, répliqua-t-il ; mais veuillez bien croire que tout ce que je pourrai pour votre commodité, je le ferai. »

Elle fit à ces paroles une réponse banale, polie, mais sans doute peu gracieuse. Elle ne croyait pas à la sincérité de ce langage obséquieux ; elle ne pensait pas qu’au fond du cœur il lui voulût du bien, et elle ne pouvait se contraindre jusqu’à prendre une attitude qui mentît à ses sentiments. Après ce dialogue, pendant les jours qui s’écoulèrent avant les funérailles, ils échangèrent peu de paroles. L’aversion d’Isabel pour son cousin devint plus vive, quoiqu’elle ne pût s’en expliquer la cause à elle-même. Elle savait que son oncle avait été réellement aussi peu porté qu’elle à aimer le jeune homme, et cette pensée la justifiait à ses yeux. Les dernières paroles du vieillard le lui avaient clairement montré et, quoique sûre de sa propre conscience, quoique certaine de ne pas convoiter la possession du domaine, elle était malheureuse à la pensée de le voir passer aux mains d’un homme qu’elle méprisait. Quand ce n’eût été que pour les fermiers, les serviteurs, pour la vieille maison elle-même, c’était une pitié ! Et alors dans son esprit s’affermissait la conviction que son