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elle et sur la propriété, en associant l’une avec l’autre. Combien il était probable qu’il songeait à quelque chose qu’il aurait été bien heureux de faire, et qu’il se figurait avoir fait ! Elle savait aussi que les paroles n’avaient aucune valeur légale, même proférées devant une douzaine de témoins. S’il y avait un testament ultérieur, ce testament parlerait assez par lui-même. Sinon, les paroles n’étaient que du vent.

Par-dessus tout, elle ne voulait pas qu’on pût lui attribuer le désir d’hériter, qu’on pût la croire piquée de ne pas hériter. Elle n’avait ni ce désir, ni cette susceptibilité. L’affaire en question était si grave, elle avait pesé si lourdement sur l’esprit de son oncle, qu’elle ne pouvait pas n’en pas sentir elle-même l’importance ; mais quant à ses désirs, ils se réduisaient à celui que le testament de son oncle, quel qu’il pût être, fût entièrement exécuté. N’avoir pas Llanfeare, n’avoir pas même un centime de la fortune de son oncle, ne la laisserait pas indifférente ; elle n’en serait pas blessée. Mais savoir que d’autres pouvaient la croire déçue dans son espoir, voilà ce qui lui était odieux et insupportable ! Aussi parla-t-elle au docteur Powell, et même à son cousin, comme si la propriété appartenait maintenant sans aucun doute à ce dernier.

Henry Jones, à ce moment, pendant les jours qui suivirent immédiatement la mort de son oncle, considéra sa nouvelle position avec une sorte de crainte respectueuse qui le rendait incapable d’action. Il obéissait presque servilement à sa cousine Isabel. Avec hésitation et en baissant la voix, il émit l’idée que les clefs pourraient lui être données à lui-même ; c’était, disait-il, pour éviter tout ennui à sa cousine. Mais quand elle lui eut répondu qu’il était de son devoir de les garder jusqu’après les funérailles, et de