Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle ressemblait si peu aux autres jeunes filles de la ville ! On savait que M. Owen devait revenir un certain jour, à une certaine heure ; on savait aussi pourquoi il devait revenir ; mais personne n’avait osé demander ouvertement à Isabel quel serait le résultat de cette nouvelle entrevue.

Il vint, et cette fois la fermeté d’Isabel faillit l’abandonner. Quand il entra, il lui sembla plus grand qu’auparavant ; il lui sembla qu’il était devenu son maître. L’émotion qu’elle éprouvait lui montra qu’elle l’aimait plus que jamais. Elle commença à sentir qu’un homme de cet extérieur et de cet air était assuré de la conquérir. Elle ne se dit pas à elle-même qu’elle céderait ; mais son esprit était assiégé de cette pensée : Quelle est la meilleure manière de céder ?

« Isabel, dit-il, en lui prenant la main, Isabel, je suis revenu, comme je vous avais prévenue que je le ferais. »

Elle ne pouvait ni retirer sa main, ni lui parler de son ton ordinaire. Tandis qu’il avait les yeux fixés sur elle, elle sentait qu’elle avait déjà cédé ; mais tout à coup la porte s’ouvrit, et l’une des jeunes filles entra précipitamment dans la chambre.

« Isabel, dit-elle, voici pour vous un télégramme de Carmarthen. »

Elle l’ouvrit avec précipitation éperdue, tremblante. Il contenait ces mots.

« Votre oncle est très mal, tout à fait mal, et désire que vous reveniez sur-le-champ. »

Le télégramme n’était pas de son cousin Henry, mais du docteur.

Le temps lui manquait soit pour donner, soit pour refuser son amour. Elle présenta à William le papier pour qu’il le lût, et s’élança hors de la chambre, comme si le train qui devait l’emmener allait partir à l’instant.