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— Je n’ai rien à dire, monsieur Owen. Et elle sourit de nouveau. Il me suffit de dire que cela ne peut pas être. Si je vous demande de ne pas me presser davantage, je suis sûre que vous me ferez cette grâce.

— Je vous presserai davantage, dit-il en la quittant ; mais je veux vous laisser une semaine de réflexion. »

Elle réfléchit pendant une semaine, et la réflexion amena, de jour en jour, un changement dans son esprit. Pourquoi ne l’épouserait-elle pas, si ce mariage faisait leur bonheur à tous deux ? Pourquoi rester immuable dans une résolution prise à un moment où les choses n’étaient pas ce qu’elles étaient devenues ? Elle le savait maintenant, elle en était certaine : la première fois qu’il était venu à elle, il ignorait que l’héritage lui fût promis. Il était venu à elle simplement parce qu’il l’aimait, et pour cette raison, pour cette raison seule, il était revenu cette fois. Et pourtant, — et pourtant, cette résolution, elle l’avait prise. Elle l’avait prise se croyant héritière. Peut-être William ne se rappelait-il pas, mais il se rappellerait dans la suite qu’elle l’avait refusé quand elle était riche, accepté quand elle était pauvre. Que deviendrait alors son martyre, sa fierté, sa gloire ? Si elle se mariait, elle ne serait plus qu’une jeune fille comme toutes les autres. Quoiqu’il n’y eût rien eu de bas dans sa conduite, elle pourrait être mal jugée elle se jugerait mal elle-même. Avant la fin de la semaine, elle s’était dit qu’elle devait rester fidèle à sa détermination.

La famille lui avait très peu parlé de William. La belle-mère redoutait Isabel, et elle cherchait à se faire illusion sur la peur qu’elle avait d’elle, en prenant un ton d’autorité ; les demi-sœurs aimaient Isabel, tout en la craignant un peu. Il y avait en elle si peu de la faiblesse féminine, elle était si dure à elle-même,