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Pourquoi devait-il venir dans la matinée ? Elle s’était dit au premier moment que les nouvelles qu’elle apportait à William détermineraient celui-ci à renoncer à ses anciens projets. Et pourtant il avait dit qu’il reviendrait dans la matinée. Elle sentit alors que cette émotion du premier moment lui avait fait commettre une injustice cruelle. Oui, elle l’avait jugé injustement ; pourquoi aurait-il dit qu’il viendrait ? Mais s’il pouvait être généreux, elle pouvait l’être, elle aussi. Elle l’avait refusé quand elle croyait être l’héritière de Llanfeare elle ne l’accepterait certainement pas maintenant.

Il vint le lendemain matin vers onze heures. Elle savait que toute la famille avait pris ses dispositions pour qu’elle le vît seule ; elle n’essaya pas d’éviter une entrevue qui devait avoir lieu ; mieux valait que ce fût sur-le-champ. Ni sa belle-mère, ni ses demi-sœurs ne lui avaient fait de confidence à ce sujet. Mais elle savait qu’elles attribuaient la visite de M. Owen à l’intention de renouveler ses anciennes propositions. C’est ce qu’il fit, aussitôt arrivé.

« Isabel, dit-il, j’ai apporté avec moi la lettre que vous m’avez écrite. Voulez-vous la reprendre ? Et il la lui tendit.

— Non ; pourquoi reprendrais-je une lettre que j’ai écrite ? répondit-elle en souriant.

— Parce que j’espère, — je ne dis pas que je compte, — mais j’espère recevoir une autre réponse.

— Pourquoi auriez-vous cet espoir ? demanda-t-elle un peu étourdiment.

— Parce que je vous aime tendrement. Laissez-moi parler franchement. Si vous trouvez l’histoire un peu longue, pardonnez-moi, elle a tant d’importance pour moi ! J’avais cru que je ne vous déplaisais pas.