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tion eût été inutile ; elle savait bien la cause de son souci. L’idée que son neveu devait être maître de Llanfeare lui était si odieuse qu’il, pouvait à peine la supporter ; et à cela venait, s’ajouter par surcroît l’ennui de la présence de ce neveu. Il fallait donc passer avec cet homme trois semaines, trois de celles qu’il lui restait à vivre ; c’était là une aggravation cruelle de ses ennuis. Isabel partit, et l’oncle et le neveu restèrent en face l’un de l’autre, mais non pour leur plus grand agrément à tous deux.

Isabel n’avait ni vu M. Owen, ni, entendu parler de lui, depuis qu’elle avait écrit la lettre renfermant la décision de son oncle. Elle allait maintenant le rencontrer inévitablement, et elle considérait avec effroi, presque en tremblant, cette nécessité. Sur un point elle s’était fait une résolution ; elle le croyait au moins. Comme elle avait refusé William, quand elle était l’héritière présumée de Llanfeare, elle ne l’accepterait certainement pas, si un sentiment d’honneur et de générosité le poussait à renouveler sa proposition, dans la situation si différente où elle était. Elle ne l’avait pas accusé dans son cœur d’être venu à elle à cause de sa richesse supposée : elle avait une trop haute opinion de lui. Mais, le fait était là ; elle l’avait refusé, quand elle était héritière présumée ; et, pas même au prix de son bonheur, elle ne voulait lui laisser croire qu’elle pût l’accepter à cause du renversement de ses espérances. Pourtant elle l’aimait, elle se l’avouait à elle-même. Sa position, à tous les points de vue, lui semblait bien cruelle. Si elle avait été héritière de Llanfeare, elle n’aurait pu l’épouser, par obéissance à la volonté de son oncle. Maintenant, ce devoir n’existait plus pour elle ; tout au moins il n’existerait plus après la mort de son oncle. N’étant qu’Isabel Brodrick, elle pouvait épouser qui elle voudrait, sans jeter de déconsidéra-