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— Jamais, jamais ; je ne saurais jamais cette leçon-là. Finissons-en. L’oncle Indefer vous a demandé de me faire cette proposition ?

— Il m’a écrit une lettre dans laquelle il me disait qu’il en serait heureux.

— Bien. Vous vous êtes cru obligé à satisfaire son désir, et vous l’avez fait. Alors, qu’il n’en soit plus question. Je n’épouserais pas un ange, même pour obliger mon oncle, ou pour obtenir Llanfeare ; et vous n’êtes pas un ange, — à mes yeux du moins.

— Entre un ange et moi il n’y a rien de commun, je l’avoue, dit-il, essayant encore de montrer de la bonne humeur.

— Non, non. Ce que j’ai dit n’avait aucun sens ; il n’est pas question d’anges. Serais-je sur le point d’aimer un homme, je ne l’épouserais pas, si je devais par là posséder tout Llanfeare et même obliger mon oncle. Je voudrais l’aimer pour lui-même, sans penser à Llanfeare. Je ne suis pas du tout sur le point de vous aimer.

— Et pourquoi ne m’aimeriez-vous pas, Isabel, demanda-t-il sottement.

— Parce que — parce que — parce que vous m’êtes odieux !

— Isabel !

— Je vous demande pardon. Je n’aurais pas dû parler ainsi. J’ai eu grand tort ; mais aussi pourquoi me faire une semblable question ? Ne vous avais-je pas dit de finir là-dessus. Et maintenant, voulez-vous me laisser vous donner un petit conseil ?

— Qu’est-ce ? demanda-t-il avec irritation. Il commençait à la haïr, mais il s’efforçait de contenir sa haine ; en y donnant cours, il aurait pu compromettre ses chances.

« Ne dites pas un mot de moi à mon oncle. Il vaudra mieux pour vous qu’il ignore notre entrevue.