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que son oncle attendait toujours qu’il fit l’offre de sa main à sa cousine. Quant à lui, il y était assez disposé. Ce n’était pas un homme à fortes affections, mais pas davantage un homme à fortes aversions, si ce n’est qu’en ce moment il avait un goût très déclaré pour Llanfeare, et un profond dégoût des bureaux où il gagnait, à Londres, son pain de tous les jours. Lui aussi il désirait faire son devoir, autant du moins que l’accomplissement de son devoir pouvait contribuer à lui assurer la propriété tant désirée de Llanfeare. Il trouvait équitable qu’à Isabel revînt une part considérable de la succession. Oui, sans doute, mais à condition qu’il fût lui-même constitué héritier définitif.

« Ainsi vous partez dans deux ou trois jours ? lui dit-il.

— Dans quatre jours ; je m’en irai lundi.

— C’est bien tôt. Je regrette que vous nous quittiez ? Mais il vaut mieux, je suppose, que le cher oncle Indefer ne soit pas laissé seul.

— Je serai partie à ce moment de toute façon, dit Isabel, qui ne voulait pas lui laisser supposer qu’il pût la remplacer près de son oncle.

— Quoi qu’il en soit, je suis fâché que vous ne demeuriez pas ici pendant que j’y serai ; mais, naturellement, je n’y puis rien. » Il s’arrêta alors, mais elle n’ajouta pas un mot. Elle voyait, à l’anxiété qu’exprimait sa physionomie, et à un son de voix qui ne lui était pas ordinaire, qu’il était sur le point de faire sa proposition. Elle était préparée à le recevoir, et restait silencieuse et attentive, les yeux fixés sur lui.

« Isabel, dit-il, je suppose que l’oncle Indefer vous a fait part de ses intentions ?

— Sans doute. Il me dit toujours ses intentions.

— Au sujet de la propriété ?