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céder dans la propriété. L’une était sans aucun doute la plus délicieuse créature qu’il eût rencontrée sur le chemin de la vie, l’autre, au moins était-il porté à le croire en ce moment, était l’être le plus désagréable qu’on pût voir. Ce qu’ils étaient pour lui, ne le seraient-ils pas pour les fermiers, dont le bonheur était entre les mains du futur possesseur de Llanfeare ? Plus il avait à endurer la présence de cet homme, plus il éprouvait le désir d’aller au tiroir qui était là, sous sa main, et de détruire celui des testaments qui était au-dessus des autres.

Mais il ne se laissa pas aller à un acte si déraisonnable. Le jeune homme n’avait rien fait dont il pût s’offenser ; il n’avait fait que lui obéir en se rendant dans la Galles du Sud. La coutume du pays était bonne, sage et fortement établie. S’il croyait à quelque chose au monde, c’était au droit de primogéniture en matière de succession foncière. Malgré tout le charme d’Isabel, le devoir était le devoir. Aurait-il donc osé se dire à lui-même qu’il pouvait, sans être coupable, violer une coutume à laquelle sa conscience lui faisait une loi d’obéir ? S’il se permettait à lui-même de ne pas l’observer, par amour pour Isabel, pourquoi un autre n’en ferait-il pas autant, puis un troisième, et ainsi de suite ? Ne pensait-il pas qu’il aurait mieux valu que la transmission de la propriété fût réglée par son père ? Comment alors pourrait-il, sans commettre une faute, agir en opposition avec l’esprit d’une coutume qu’il croyait bonne. Ainsi, il ne cessait d’argumenter avec lui-même ; mais la présence odieuse de son neveu enlevait à ses arguments beaucoup de leur force.

Cependant le cousin Henry s’essayait avec Isabel. Il n’avait qu’une semaine à passer avec elle, et déjà trois jours étaient écoulés. À la fin de la semaine, Isabel allait partir pour Hereford, et Henry savait bien