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— Vous pensez que vous épouser serait pour elle la meilleure position possible ? » L’oncle parla ainsi d’un ton méprisant, qui devait être fort désagréable à supporter. Il était injuste d’ailleurs, car le malheureux jeune homme n’avait certes pas voulu parler de lui-même.

Mais il fallait tout endurer. « Je voulais dire, monsieur, que, si elle voulait accepter ma main, la propriété aurait pour elle un intérêt presque aussi grand que pour moi.

— Beaucoup plus grand, dit avec irritation l’oncle Indefer. Il n’est pas d’homme, de femme, d’enfant qu’elle ne connaisse dans les environs. Tous l’aiment, et avec raison ; elle a été leur meilleure amie. Pour ce qui est d’eux, il leur serait pénible de ne pas dépendre d’elle.

— Il en serait pourtant ainsi, monsieur, si elle consentait à faire ce que vous et moi nous désirons.

— Désirer ! moi ! » Et il recommença à grogner, tournant le dos à son neveu, et affectant de lire le journal qu’il avait tenu à la main pendant la conversation. Il faut reconnaître combien était difficile le rôle qu’avait à jouer l’héritier présumé. Il comprenait que son oncle le haïssait, mais ce qu’il ne pouvait comprendre, c’est que le meilleur moyen de diminuer cette haine aurait été qu’il délivrât son oncle de sa présence. Il restait là assis, les yeux fixés sur la grille vide, feignant de temps à autre de lire un vieux journal qu’il trouvait sur la table, tandis que son oncle bouillait de colère et grognait. Pendant tout le temps qu’il souffrait ainsi de la présence de son neveu, l’oncle Indefer se demandait si la coutume anglaise, concernant les héritiers mâles, était bien nécessaire à la prospérité du pays. Deux personnes occupaient sa pensée, et l’une d’elles devait lui suc-