Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il était trop évident pour lui que son oncle ne l’aimait pas. À leur première entrevue, il avait dû entendre l’éloge d’Isabel et des menaces contre lui-même. Il était tout à fait préparé à prendre son parti de l’un et l’autre, comme aussi de toute épreuve désagréable qu’il lui faudrait subir, si le succès devait récompenser sa patience. Mais il croyait que le plus sûr était de faire à Isabel une cour empressée. S’il réussissait, il était sauvé, quoi que fît le vieillard. Si elle persévérait dans son refus, ce qu’il croyait probable, Il aurait au moins montre la volonté de donner satisfaction au désir de son oncle. Tout cela était bien raisonné, mais il ne se rendait pas un compte exact des sentiments du vieillard à son égard. Il ne voyait pas combien pénible encore était son hésitation entre le devoir et l’affection. Il ne mesurait pas la profondeur de l’amour du vieillard pour Isabel. S’il avait été plus clairvoyant, il se serait tenu hors de la vue de son oncle ; il aurait consacré son temps à visiter les fermiers et à surveiller la culture. Mais, au contraire, il entrait souvent le matin dans la chambre de son oncle, de laquelle il excluait ainsi Isabel. Les choses en étaient venues à ce point que l’oncle Indefer n’était jamais à son aise que quand Isabel était avec lui.

« On ne peut être attaché à une personne plus que je ne le suis à Isabel, » dit le neveu à son oncle, le troisième jour de son arrivée. L’oncle répondit par un grognement. Plus il voyait l’homme, moins il trouvait supportable l’idée de sacrifier Isabel à un tel mari. Je ferai certainement mon possible pour satisfaire vos désirs.

— Mes désirs n’ont qu’elle pour objet.

— Sans doute, monsieur, je comprends parfaitement. Comme elle ne doit pas être l’héritière, il faut lui faire la meilleure position possible.