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que, bien qu’elle ne parlât pas de son avenir, elle ne pouvait s’empêcher d’y penser. Elle avait ri à l’idée de solliciter l’héritage, et elle n’aurait jamais voulu ajouter ainsi aux soucis de son oncle ; mais elle comprenait aussi bien que tout autre la différence qu’il y avait entre la position naguère promise de propriétaire de Llanfeare, et celle à laquelle elle serait réduite, comme la belle-fille d’une belle-mère qui ne l’aimait pas. Elle savait aussi qu’elle avait été froide pour William Owen, qu’elle ne lui avait donné aucune espèce d’encouragement, en lui laissant croire qu’elle le repoussait parce qu’elle était l’héritière de son oncle. Elle savait aussi ou croyait savoir qu’elle ne possédait pas ces avantages personnels qui font persévérer un homme dans son amour, en dépit des difficultés. Elle n’avait plus entendu parler de William Owen pendant les neuf derniers mois. De temps en temps, elle recevait une lettre de l’une de ses sœurs plus jeunes qui, elles aussi, commençaient à ressentir l’amour et ses soucis. Mais ces lettres ne contenaient pas un mot qui concernât William. Aussi peut-on dire que le dernier changement survenu dans les intentions de son oncle avait été de toutes façons pour elle un rude coup.

Mais elle ne proféra jamais une plainte ; jamais son visage ne trahit son chagrin. À qui eût-elle confié sa peine ? Elle avait toujours été réservée avec sa famille sur le sujet de, l’héritage ; son père avait montré une égale réserve. La famille d’Hereford la jugeait obstinée et dédaigneuse, peut-être parce qu’elle se montrait telle dans ses relations avec sa belle-mère.

Quoi qu’il en soit, il n’y avait entre elle et sa famille nul échange de confidences au sujet de Llanfeare. Son père ne doutait pas qu’elle ne dût hériter la propriété.

Confiante en elle-même, elle l’était dans une cer-