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Dans tout cet entretien, Isabel n’avait fait aucune allusion à l’amour qu’elle éprouvait. Si elle l’avait fait, son oncle n’aurait pu la presser au sujet du mariage avec son cousin. Mais elle était restée si froide en parlant du jeune ecclésiastique, que, dans la pensée de son oncle, la chose lui tenait très peu au cœur : cet amour était au contraire l’intérêt et le bonheur de sa vie. Et pourtant quand le vieillard, revenant à la charge, lui demanda encore d’aplanir toutes les difficultés par un mariage avec son cousin, elle dut soutenir la conversation comme s’il n’y avait pas eu à Hereford un William Owen qui l’aimait et qu’elle aimait aussi.

Cependant le vieillard se rappelait tout cela : il se rappelait que, quand il avait formellement écarté le chanoine, il l’avait fait par devoir, pour empêcher que Llanfeare ne fût la possession d’un petit-fils d’hôtelier. Que le petit-fils du vieux Thomas Owen, du Lion de Pembroke, régnât à Llanfeare à la place d’un Indefer Jones, c’eût été une abomination qu’il avait été de son devoir de prévenir. Mais les choses étaient différentes maintenant qu’il allait laisser la jeune fille sans fortune, sans un ami, sans un abri qui fût à elle ! Et pourtant, si son nom était Brodrick, elle n’en était pas moins une Jones ; et son père, quoique un simple avoué, était d’une famille presque aussi bonne que la sienne. Dans aucun cas, elle ne pouvait épouser le petit-fils du vieux Thomas Owen. Aussi n’était-il jamais, jusqu’à ce moment, revenu sur la proposition de mariage. Si Isabel lui en avait parlé de nouveau, sa réponse aurait peut-être été moins formelle ; mais elle non plus n’avait depuis lors prononcé le nom de William.

Tout cela était pour Isabel une source de pénibles réflexions ; elle ne disait rien, mais elle pensait encore à celui qui l’aimait ; et il faut reconnaître