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— Il ne m’avait pas dit qu’il eût cette intention.

— Il ne l’a dit à personne, c’est certain ; mais cela prouve combien son esprit travaillait. Peut-être mes remontrances ont-elles fait enfin quelque impression sur lui. C’est alors que les Cantor m’apprirent qu’ils avaient été appelés à signer un testament. Je n’ai pas besoin de vous dire ce que j’éprouvai à ce moment. Il aurait mieux valu pour lui qu’il me fît venir.

— Oh oui !

— Cela eût mieux valu aussi pour ce pauvre garçon. » Le pauvre garçon était naturellement le cousin Henry. « Mais je ne pouvais intervenir. Je ne pouvais qu’entendre ce que l’on m’apprenait, — et attendre. Puis votre oncle mourut.

— Je savais alors qu’il avait fait ce testament.

— Vous saviez qu’il avait pensé l’avoir fait ; mais peut-on croire avec quelque certitude les paroles d’un mourant, dont l’intelligence est affaiblie, et dont les pensées sont fugitives ? Quand nous avons cherché ce testament, et lu l’autre, j’étais assuré que les Cantor avaient été appelés comme témoins et avaient réellement signé l’acte. Comment en douter ? Mais votre oncle, qui avait fait secrètement le testament, pouvait l’avoir détruit secrètement aussi. Insensiblement la conviction se fit chez moi qu’il ne l’avait pas détruit, qu’il existait encore — ou que votre cousin l’avait détruit. Mais ceci, je ne l’ai jamais cru fermement. Il n’était pas homme à le faire, — il n’était ni assez courageux, ni assez méchant.

— Je crois qu’il n’était pas assez méchant.

— Pour quelque cause que ce fût, il en était incapable. Pourtant, il était clair comme le jour que sa conscience était troublée. Il se renferma dans sa misère, sans comprendre que son air malheureux parlait contre lui. Pourquoi ne se réjouissait-il pas de sa position inespérée ? C’est alors que je me dis