Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

service n’eût pas été interrompu. Ils la reçurent avec des cris de joie et de bienvenue. L’arrivée du cousin Henry, la mort de leur vieux maître, le départ de leur jeune maîtresse avaient été pour eux comme la fin du monde. Être au service était leur seule ambition — mais ils voulaient que ce service leur donnât un bien-être honorable. Servir le cousin Henry, c’était le comble de l’humiliation. Leur vieux maître avait fait un acte, qu’ils savaient bien n’avoir été qu’une erreur, mais qui ne leur en avait pas moins été une cruelle déception. S’entendre dire tout d’un coup qu’ils devaient être les serviteurs d’un homme comme le cousin Henry, sans contrat ni consentement de leur part ; être livrés, comme des articles de mobilier, à un clerc de Londres, de réputation médiocre, que, dans leur esprit, ils regardaient comme inférieur à eux-mêmes ! Eux aussi, comme M. Griffith et les autres fermiers, s’étaient habitués à considérer comme chose naturelle le règne futur de la reine Isabel. Dans ce cas, c’eût été comme si on les avait consultés, et qu’ils eussent accepté la destination qu’on leur donnait dans l’avenir. Mais un cousin Henry ! Maintenant, le tort qu’on leur avait fait à eux-mêmes et à tous ceux qui dépendaient de Llanfeare était réparé ; justice était faite. Ils avaient été fortement convaincus que leur maître avait laissé en mourant un autre testament. Le sommelier était certain que l’acte avait été détruit par le cousin Henry, et il avait juré qu’il ne se tiendrait pas derrière la chaise d’un criminel. Le jardinier avait été aussi violent, et avait refusé de couper un seul chou pour l’usage du cousin Henry. Les femmes en étaient restées aux soupçons. Elles croyaient fermement qu’un acte coupable avait été commis, mais elles hésitaient entre plusieurs explications. Maintenant, tous les droits avaient reçu