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visage était baigné de larmes, ne put que presser en partant la main du vieillard.

« Ma chère demoiselle, » dit M. Apjohn, « il n’a fait que vous exprimer nos sentiments à tous. Naturellement, ils sont encore plus vifs chez vos fermiers et vos domestiques. Mais tout le pays pense comme eux. Quand une maison appartient personnellement à un homme, il peut en faire ce qu’il en veut, comme de l’argent qu’il a dans sa poche mais s’il s’agit de terres, il faut compter avec les sentiments de ceux qui les occupent. Dans un sens, Llanfeare appartenait à votre oncle, et il pouvait en faire ce qu’il voulait ; mais, dans un autre sens, il ne faisait que le partager avec ses fermiers ; aussi quand, d’après une théorie qu’il ne comprenait pas très bien lui-même, il a fait venir le cousin Henry au milieu d’eux, il les a blessés dans leurs plus légitimes sentiments.

— Il croyait accomplir un devoir, M. Apjohn.

— Certainement, mais il s’en est fait une idée fausse. Il ne comprenait pas cette idée de la transmission à l’héritier mâle. Le but en a été, dans le principe, de maintenir toujours, autour d’une ancienne famille, les mêmes fermiers et dépendants, et les mêmes terres. L’Angleterre doit beaucoup à cette coutume. Mais, dans ce cas, votre oncle, se tenant à la lettre, aurait violé l’esprit, et il aurait été justement contre la pratique qu’il voulait continuer. Voici un sermon auquel, je crois, vous ne comprenez pas un mot.

— Je le comprends jusqu’à la dernière syllabe, M. Apjohn. »

Ils arrivèrent bientôt à la maison, où ils trouvèrent non seulement Mrs. Griffith et la vieille cuisinière, qui étaient toujours restées, mais aussi le vieux sommelier, qui était parti, par aversion pour le cousin Henry, et qui était revenu, comme si son