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— Les événements nous ont séparés, Isabel.

— Rien ne peut nous séparer. » Elle s’arrêta un moment. Elle avait pensé à cette entrevue, mais il lui fallait recueillir ses pensées avant d’exécuter son projet. Elle avait son plan tout prêt ; mais il lui fallait d’abord faire appel à son courage, à sa fermeté. Elle s’approcha de lui, le regardant en face, tandis que M. Owen se reculait un peu, comme pour se soustraire au danger de ce voisinage trop proche. « William, » dit-elle, « prenez-moi dans vos bras et donnez-moi un baiser. Combien de fois me l’avez-vous demandé pendant ce dernier mois ! Je suis venue pour cela. »

Il resta un moment immobile, comme si, après avoir rassemblé toute son énergie, il devait être assez fort pour résister à cette demande. Mais il fut bientôt vaincu il la prit dans ses bras, la serra contre sa poitrine, couvrit de baisers ses lèvres, son front, ses joues, — tandis qu’Isabel, qui avait obtenu ce qu’elle voulait, essayait en vain de se dégager de ces longs embrassements.

« Maintenant, je serai votre femme, » dit-elle enfin, lorsqu’elle eut pu reprendre haleine.

— Cela ne devrait pas être.

— Comment, après tout cela ? osez-vous le dire ? — après tout cela ? Vous ne pourriez plus marcher la tête haute. Dites, dites-moi que vous êtes heureux. Pensez-vous que je puisse l’être, sinon avec vous ? » Naturellement il lui donna toutes les assurances possibles ; et Isabel n’eut pas à répéter sa demande.

« Je vous prie, M. Owen, désormais, de venir à moi, pour ne pas m’obliger d’aller à vous. Ma démarche m’a été désagréable ; elle a été coupable et donnera lieu à bien des propos. Il a fallu, pour m’y déterminer, que j’eusse l’intention bien arrêtée de