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la mort du vieillard, et la conviction que son cousin était un criminel. À ce moment, elle avait été malheureuse, et la lutte contre la mauvaise fortune lui avait semblé difficile à soutenir. Ajoutez à cela les reproches de sa belle-mère et la peine que sa résolution avait causée à son père. La maison dans laquelle elle était rentrée avait été pour elle un triste séjour. Elle avait pris ensuite la pénible résolution de ne pas donner sa main à l’homme qui l’aimait et qu’elle aimait si tendrement. Elle était convaincue que sa conduite était dictée par des sentiments délicats, et pourtant elle était mécontente d’elle-même. Elle était décidée à être fidèle à sa résolution, et elle craignait que sa résolution ne fût pas bonne. Elle avait refusé M. Owen quand elle était riche ; devenue pauvre, sa fierté l’avait empêchée d’aller à lui. Elle avait persévéré dans sa détermination, mais elle avait déjà commencé à comprendre que sa fierté était une mauvaise fierté.

Le jour du triomphe était enfin venu. Ses yeux brillaient de joie, quand elle pensait, quand elle sentait qu’elle allait pouvoir donner le bonheur en le recevant. Oui, sans doute, il aurait tout d’abord une idée déraisonnable, comme l’avait dit M. Brodrick ; mais elle le ramènerait à la raison. Femme, elle triompherait d’un homme. Il avait raillé son obstination à elle, jurant qu’il la vaincrait ; ce serait elle qui vaincrait certainement l’obstination de celui qu’elle aimait.

Pendant un jour ou deux, on ne vit pas M Owen. Elle apprit de son père qu’il avait été mis au courant des nouvelles, mais elle ne sut pas autre chose. M. Owen ne parut plus à la maison ; elle s’y attendait d’ailleurs. Sa belle-mère devint tout à coup gracieuse — n’hésitant pas à expliquer que le changement de son attitude était causé par le changement de la position d’Isabel.