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Ne voyagez pas un dimanche, comme vous l’avez fait la dernière fois : cela le contrarie. Je serai ici au commencement de votre séjour ; j’irai ensuite à Hereford. Ce n’est qu’en plein été que je puis quitter mon oncle.

« Votre affectionnée cousine,
« Isabel Brodrick. »


Elle s’était souvent reproché à elle-même de signer de cette manière, et elle l’avait fait bien à contrecœur. Mais, à l’égard d’un cousin, c’était la formule habituelle, comme c’est la coutume d’appeler un indifférent « Mon cher monsieur », quoiqu’il ne soit pas cher le moins du monde. Elle s’était donc résignée à ce mensonge.

Il faut faire connaître au lecteur un autre incident de la vie d’Isabel. Elle avait l’habitude d’aller à Hereford au moins une fois par an, et de passer un mois chez son père. Elle avait fait annuellement ces visites depuis qu’elle vivait à Llanfeare, et elle était arrivée ainsi à se créer des relations avec plusieurs habitants d’Hereford. Parmi ceux qui étaient devenus ses amis était un jeune ecclésiastique, William Owen, chanoine de second ordre attaché à la cathédrale, et qui, pendant sa dernière visite, lui avait demandé d’être sa femme. À ce moment, elle pensait être héritière de son oncle, et, se regardant comme la propriétaire probable de Llanfeare, elle s’était crue obligée de tenir compte, avant tout, de ses futurs devoirs et de l’obéissance qu’elle devait à son bienfaiteur. Elle ne dit jamais à celui qui l’aimait, et elle ne s’avoua jamais complètement à elle-même, qu’elle l’aurait accepté, si elle n’eût été ainsi enchaînée ; mais nous pouvons dire au lecteur qu’il en était ainsi. Si elle s’était sentie tout à fait libre, elle se serait donnée à l’homme qui lui avait offert son amour. Mais, dans sa