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Le cousin Henry ouvrait de grands yeux. Peu de jours avant, il avait demandé lui-même à un clerc de M. Apjohn pourquoi on ne recommençait pas les recherches. Mais alors ses pensées étaient différentes ; alors, il aurait voulu pouvoir abandonner Llanfeare, de façon à être délivré de M. Cheekey. Maintenant, il était résolu à détruire le testament, à jouir de la propriété, à affronter M. Cheekey. L’idée lui traversa l’esprit que, s’il opposait un refus, on n’oserait pas insister pour faire immédiatement les recherches. On lui faisait une demande ; or une demande implique le pouvoir de refuser, chez celui à qui on l’adresse.

« Où voulez-vous chercher ? » demanda-t-il.

M. Brodrick parcourut des yeux la chambre ; le regard du cousin Henry suivit celui de son oncle ; il lui sembla que M. Brodrick considérait tout particulièrement le rayon où était le livre.

« Nous désirons visiter la maison en général ; par exemple, la chambre à coucher de votre oncle, » dit M. Apjohn.

— Certes, vous pouvez y aller. » Il eut un moment d’espoir. S’ils montaient à la chambre à coucher, resté seul, il prendrait le testament et le détruirait sur-le-champ, — il le mangerait morceau par morceau, si c’était nécessaire, — il sortirait de la maison et le réduirait en fragments imperceptibles, avant d’y rentrer. Il était libre encore, et pouvait aller et venir comme il lui plaisait. « Oui, vous pouvez y aller. »

Mais ce n’était pas là le plan de M. Apjohn. « Ou peut-être nous pourrions commencer par ici, dit-il. Voici justement mes deux clercs. »

Le cousin Henry rougit, puis pâlit. Il essaya de voir dans quelle direction M. Brodrick avait les yeux tournés. M. Apjohn n’avait pas encore regardé les livres. Il était assis tout près de la table, les yeux fixés sur ceux du cousin Henry, qui le savait bien.