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C’était par une habitude d’enfance qu’il disait sa prière en se couchant ; s’il avait rarement omis de la faire, il se méprisait presque de continuer cette pratique. Au grand jour, ou lorsqu’à la lumière des bougies il était entouré de gais compagnons, le blasphème ne l’effrayait pas. Mais maintenant, au milieu de tous ses tourments, il se rappelait qu’il y a un enfer, et il ne pouvait secouer cette pensée. Pour le pécheur non repentant s’ouvrait une éternité de tortures ! S’il ne se repentait pas du crime qu’il méditait, il souffrirait une peine éternelle. Il agirait pourtant. Après tout, combien, parmi les sages de la terre, considéraient la damnation et ses horreurs comme une invention des prêtres, à l’usage des enfants et des femmes !

Vint enfin la nuit du mardi ; les heures s’écoulèrent ; minuit sonna : les femmes étaient couchées ; il tira le testament de sa cachette. Il moucha la bougie et la plaça sur un journal ouvert, afin de pouvoir recueillir toutes les cendres. Il fit le tour de la chambre, pour s’assurer que rien n’était ouvert. Il éteignit sa bougie, pour s’assurer qu’aucun rayon de lumière n’entrait dans la pièce ; puis il la ralluma. Le moment était venu.

Il relut le testament d’un bout à l’autre ; — pourquoi ? Il ne le savait pas ; mais, en réalité, il cherchait à gagner du temps. Avec quel soin le vieillard en avait formé toutes les lettres ! Il était assis et considérait le dernier écrit de son oncle, se disant qu’un léger mouvement de sa main suffirait pour qu’il fût détruit. Il moucha de nouveau la bougie, tenant toujours le papier. Un acte si simple pouvait-il avoir de si grandes conséquences ? La damnation de son âme ! Serait-ce vraiment se condamner à la peine éternelle ? Dieu savait qu’il n’avait pas désiré voler la propriété et qu’il ne le désirait pas maintenant