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pas à son bureau, pour y être l’objet du mépris de tous, pour y montrer en lui un homme qui, après avoir frauduleusement tenu caché un testament, l’avait ensuite produit, non pour réparer sa faute, mais parce qu’il avait eu peur de M. Cheekey. Oui, il était bien décidé ; mais il n’était pas nécessaire d’agir sitôt. Moins il aurait de nuits à passer dans la maison, après la destruction du testament, mieux cela vaudrait.

Le jugement devait avoir lieu le vendredi. Il ne voulait pas attendre le dernier jour, car il était possible qu’on envoyât des gens pour veiller à ce qu’il ne pût s’échapper ; mais il aimait mieux garder les mains pures le plus longtemps possible. Il détruirait le testament. Et pourtant, qui sait ce qui pouvait arriver ? Jusqu’au moment fatal, la voie du repentir lui était toujours ouverte : il pouvait demeurer innocent. Après ce moment, adieu l’innocence, plus de retour possible dans la voie de l’honnêteté, plus de repentir. Comment se repentir, quand on tient le prix de son crime, et comment abandonner le prix du crime sans livrer le criminel au châtiment de la loi ? Il résolut donc d’agir dans la nuit du mardi.

Il y pensa pendant toute cette journée. Si au moins il pouvait croire que cette histoire des âmes coupables condamnées au feu éternel était un conte de bonne femme ! S’il pouvait le croire, il aurait bientôt étouffé ses remords. Et pourquoi pas ? Les croyances religieuses avaient bien peu, jusqu’alors, troublé son âme. L’Église, le service divin n’avaient pas existé pour lui. Il n’avait eu ni la crainte ni l’amour de Dieu. Il le savait, et ne pensait pas qu’il dût suivre dans l’avenir une autre ligne de conduite. Il n’éprouvait aucun désir de devenir religieux. Mais alors, pourquoi ces remords qui le tourmentaient ?