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dont il avait été saisi. Que serait-ce donc le jour où, pendant de longues heures, les questions se succéderaient les unes aux autres, où son bourreau impitoyable le torturerait en présence de toute la cour ? Mais il serait bien inutile de prolonger ces tourments. Tout ce qu’on voulait savoir de lui, il l’aurait bientôt dit. Le premier coup frappé par le bourreau ferait jaillir le secret.

Mais il y avait une chose à laquelle il était bien décidé : quand il paraîtrait en présence de M. Cheekey, le testament serait détruit, et le danger serait ainsi beaucoup diminué pour lui. Sans doute il souffrirait cruellement de l’accomplissement d’un si exécrable forfait ; sa conscience serait soumise à la plus épouvantable torture ; mais il pensait que M. Cheekey lui-même ne serait pas capable de lui faire avouer qu’il avait commis un si grand crime.

De la sorte, il demeurerait le possesseur de Llanfeare. Il n’aimait pas la propriété ; mais il éprouvait une haine si violente pour ceux qui le persécutaient, qu’il considérait presque comme un devoir de les punir en se maintenant en possession malgré eux. S’il pouvait sortir vivant des mains de M. Cheekey, s’il pouvait ne pas succomber aux angoisses de ces heures affreuses, il resterait propriétaire incontesté de Llanfeare. Il serait comme le malade qui supporte une douloureuse opération, soutenu par la certitude qu’il jouira d’une santé parfaite pendant le reste de sa vie.

La destruction du testament était donc sa seule chance de salut. Aucun autre moyen ne lui restait, puisqu’il n’avait pas le courage de se détruire lui-même. Tous les artifices qu’il avait imaginés pour se donner le moyen de révéler le secret sans confesser en même temps sa faute, n’avaient pu réussir. Il comprit qu’il ne pouvait rien espérer de son