Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dents pour que j’en puisse tirer une conclusion si précise.

— Je ne dis pas cela ; mais j’ignore comment vous êtes arrivé peu à peu à vous faire cette opinion.

— Moi, je serai moins indulgent que vous : les faits n’autorisent pas ma conclusion ; l’imagination m’y a conduit plus que la logique, et je ne recommanderai à personne cette façon de raisonner. Voici ce qui s’est passé dans mon esprit. » Il exposa alors à son confrère les petits faits qui, en se succédant les uns aux autres, avaient fini par lui faire une opinion : le peu de goût qu’avait le cousin Henry à sortir de chez lui, le séjour continuel dans la même pièce, la connaissance évidente qu’il avait d’un secret, ce que l’on pouvait conclure de sa conversation avec le fermier Griffiths, ses appréhensions de tous les moments, la terreur que lui causait l’interrogatoire prochain, la vivacité avec laquelle il s’était écrié qu’il n’avait rien détruit, rien caché, et son silence, quand on lui avait demandé s’il savait que le testament fût caché quelque part ; puis encore, que l’on n’avait pas examiné les livres un à un, que le vieil Indefer Jones n’allait pas d’ordinaire dans cette pièce, mais y avait fait prendre un ou deux volumes ; que ces volumes avaient été près de lui pendant les jours où il avait dû écrire le testament perdu. C’étaient tous ces petits faits, et d’autres connus du lecteur, qui avaient amené la conclusion que M. Apjohn exposait à M. Brodrick.

« Je reconnais que la chaîne est mince, et qu’on la briserait avec une plume, continue M. Apjohn. Ce qui, plus que tout le reste, me confirme dans mon opinion, c’est la physionomie du malheureux, quand je lui ai posé la dernière question. Maintenant que je vous ai tout dit, décidez ce qu’il faut faire. »

Mais M. Brodrick était moins habile que son con-