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— Qu’est-ce que tout cela me fait ? dit le cousin Henry.

— Rien, évidemment, monsieur. Quand on n’a, comme vous, rien à cacher, tout cela importe peu. Mais quand un témoin a quelque chose à dissimuler, — et c’est quelquefois le cas, — c’est alors que se montre M. Cheekey. Ses yeux vous entrent dans le corps et voient s’il y a quelque chose. S’il y a quelque chose, il vous retourne et vous arrache votre secret. C’est ce que j’appelle écorcher un témoin. J’ai vu une fois un pauvre diable si terriblement malmené par lui qu’on dut l’emporter sans parole du banc des témoins. »

Cette peinture saisissante, le cousin Henry se l’était déjà faite à lui-même. Et c’était de sa propre volonté qu’il s’était soumis à l’épreuve de ce procès ! S’il avait fermement refusé de poursuivre le journaliste, M. Cheekey ne pouvait rien contre lui. Et voici qu’il lui fallait aller à Carmarthen pour y souffrir comme des angoisses préparatoires à la torture qu’on se proposait d’exercer sur lui.

« Je ne vois pas du tout pourquoi j’irais à Carmarthen, » dit-il, après quelques moments de silence, pendant lesquels il repassa dans son esprit ce qu’il venait d’entendre.

— Ne pas venir à Carmarthen ! Mais, monsieur, il faut que vous complétiez les instructions.

— Je n’en vois pas du tout la nécessité.

— Alors vous voulez vous retirer tout à fait, monsieur Jones ? Je ne voudrais pas montrer que j’ai si peur de M. Cheekey ! »

Le cousin Henry pensa alors que, s’il voulait se retirer de l’affaire, il lui serait aisé de le faire plus tard, tant qu’on n’aurait pas le droit de le traîner par la force devant le tribunal redouté. Et comme c’était actuellement son intention d’éviter le jugement en li-