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tre en justice, — tout cela était possible, ou, au moins, n’était pas impossible ; mais qu’il dît : « Oui, je l’ai fait, j’ai brûlé le testament de mes propres mains, » ils reconnaissaient tous que c’était impossible. Et ainsi, le cousin Henry retournerait à Llanfeare, confirmé dans la possession de la propriété.

« Il rira de nous dans sa manche, quand tout sera fini, » dit le commissaire-priseur.

Ils ne se doutaient pas des tourments dans lesquels vivait le malheureux. Ils n’imaginaient pas combien il était invraisemblable qu’il rît dans sa manche de qui que ce fût. Nous sommes trop portés, quand nous pensons aux crimes ou aux fautes des autres hommes, à oublier qu’ils ont une conscience et qu’ils peuvent être torturés par le remords. Tandis qu’ils parlaient ainsi du cousin Henry, celui-ci essayait en vain de se consoler par la réflexion qu’il n’avait pas commis de crime, que la voie du repentir lui était encore ouverte, que si seulement on le laissait partir pour Londres, pour y regretter et expier sa faute, il serait heureux d’abandonner Llanfeare et tous ses honneurs. Le lecteur aura de la peine à supposer qu’après le jugement, le cousin Henry dût revenir dans la bibliothèque pour y rire dans sa manche.

Quelques jours après, M. Apjohn eut, à Londres, une entrevue avec M. Balsam. « Le client dont vous m’avez confié la cause, dit M. Balsam, ne me semble pas être la fleur des gentilshommes.

— Non certes. Vous comprendrez, monsieur Balsam, que mon seul objet, en lui persuadant de poursuivre le journal, a été de l’amener au banc des témoins. Je le lui ai dit, naturellement. Je lui ai expliqué que, s’il n’y paraissait point, il ne pourrait pas marcher la tête haute.

— Et il a adopté votre avis ?