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Mais son irritation contre elle s’apaisait toujours vite et, avant le moment où notre histoire commence, il s’était déjà aperçu qu’Isabel redoutait moins sa colère, que lui-même celle de sa nièce. Elle avait une fermeté que rien ne pouvait vaincre. Elle avait grandi sous ses yeux, forte, courageuse, quelquefois presque hardie, avec une pointe d’originalité ; quand elle avait estimé qu’une chose était juste ou injuste, elle ne revenait pas sur son jugement. Il avait eu, ou peu s’en fallait, peur d’elle, quand il s’était vu forcé de lui dire la décision à laquelle sa conscience l’avait obligé. Mais le testament était fait, — le troisième, peut-être le quatrième ou le cinquième qu’il s’était fait un devoir d’écrire, depuis le commencement de ses hésitations. Par ce testament, sur lequel il se promit de ne plus revenir, il laissait Llanfeare à son neveu, à la seule condition qu’il ajoutât le nom d’Indefer à celui de Jones, et stipulait, par certaines clauses, la reprise de la substitution. Enfin, tout ce qu’il posséderait à sa mort, excepté Llanfeare et le mobilier de la maison, il le laissait à sa nièce Isabel.

« Il faut vendre les chevaux, lui dit-il, quinze jours environ après la conversation que nous avons rapportée.

— Pourquoi donc ?

— Mon testament est fait, et vous devez avoir si peu, qu’il nous faut mettre de côté le plus d’argent possible avant ma mort.

— Mon Dieu ! quel tourment !

— Croyez-vous que ce ne soit pas une terrible pensée pour moi que celle du peu de bien que je puis vous faire ? Peut-être vivrai-je encore deux ans ; nous pourrons économiser six ou sept cents livres par an. J’ai mis sur la terre une charge de quatre mille livres. La propriété est peu de chose, après tout ; elle ne rapporte pas plus de quinze cents livres par an.