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façon d’envisager le cas, il ne fût nécessaire d’employer ce moyen. Mais quand il croyait devoir procéder par intimidation, — et la lecture des procès de cour d’assises montrerait que cela arrivait très souvent, — Jean le Foudroyant faisait sentir des dents plus aiguës que celles d’un terrier. Il s’arrêtait dans un interrogatoire, regardait son homme, avançant peu à peu la figure, sans le quitter des yeux, avec une expression qui terrifiait un faux témoin insuffisamment pourvu de courage, — et souvent aussi, hélas ! un témoin véridique. Malheureusement en effet, malgré sa volonté de ne soumettre à ses procédés d’intimidation que ceux qui en avaient besoin, comme il le disait, il se trompait quelquefois. Il avait aussi un autre don précieux, dont il usait a la perfection, celui d’intimider le juge lui-même. Il se faisait ce raisonnement, qu’en faisant peur au juge, il le rabaissait dans l’estime des jurés et diminuait ainsi la force de la prévention. On s’était assuré ses services pour cette affaire, dont toutes les circonstances lui avaient été expliquées. On sentait que ce serait un grand jour que celui où M. Cheekey interrogerait dans la cour de justice le cousin Henry.

« Oui, » dit M. Evans en riant, « je crois que M. Cheekey m’épargnera ce désagrément. Quelle sera l’issue, monsieur Apjohn ? » demanda-t-il brusquement.

— Comment puis-je le savoir ? S’il se montre un homme, il y aura naturellement un verdict de culpabilité.

— Mais le pourra-t-il ? demanda le journaliste.

— Je l’espère de tout mon cœur, — s’il n’a rien fait qu’il ait dû ne pas faire. Dans cette affaire, monsieur Evans, je suis partagé entre deux sentiments. Je déteste l’homme cordialement, et il m’est bien indifférent qu’on le sache. L’idée qu’il venait supplanter ici