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dire la vérité ; et ceux qui avaient seulement entendu parler de lui ne doutaient pas que l’audience ne dût présenter le plus vif intérêt. La vente du journal s’était énormément accrue, et M. Evans était le héros du jour.

« Ainsi vous aurez M. Balsam contre moi ? » dit un jour M. Evans à M. Apjohn. M. Balsam était un respectable avocat qui, pendant bien des années, avait plaidé dans la circonscription judiciaire du pays de Galles, et qui était renommé pour la douceur de ses manières et sa science exacte du droit, deux qualités qui d’ailleurs ne sont pas d’une absolue nécessité dans un avocat d’assises.

« Oui, monsieur Evans. M. Balsam, je n’en doute pas, nous fera obtenir ce que nous voulons.

— Ce que vous voulez, c’est, je suppose, me faire mettre en prison ?

— Certainement, s’il est prouvé que vous l’avez mérité. Les imputations calomnieuses sont si évidentes qu’il suffira de les lire à un jury. À moins que vous ne puissiez les justifier, je crois que vous devez aller en prison.

— Je le crois aussi. Vous viendrez m’y voir, n’est-ce pas, monsieur Apjohn ?

— Je suppose que M. Cheekey trouvera le moyen de vous épargner ce désagrément. »

M. Cheekey était un homme d’une cinquantaine d’années, qui depuis peu avait acquis une grande considération dans les cours de justice. Ses confrères l’appelaient « Jean le Foudroyant », à cause d’un mouvement de sourcils qu’il avait, quand il voulait intimider un témoin. C’était un Irlandais solidement bâti, à la physionomie jeune encore, généralement gai, et qui avait toutes sortes de bonnes qualités. Jamais il n’aurait voulu agir par la crainte contre une femme, — ni même contre un homme, à moins que, selon sa