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avait été contraint d’accepter la proposition de M. Apjohn, jusqu’à celui où il serait en présence, à Carmarthen, de l’avocat de ses adversaires, s’il était assez brave pour affronter l’épreuve. Or cette épreuve, il était absolument décidé à ne pas l’affronter. Il n’était ni cordes ni police qui pussent le traîner au banc des témoins. Mais il avait un mois devant lui. Des pensées diverses agitaient son esprit. La poursuite allait donner lieu à de grands frais, frais inutiles, s’il avait l’intention de se dérober avant le jour fatal, — et qui payerait ces frais ? Il ne croyait pas que la propriété demeurât entre ses mains ; il ne désirait d’ailleurs qu’une chose : en être délivré, fuir loin de Llanfeare, et n’avoir plus à s’occuper de fermiers et de fermages. Mais ce serait toujours à lui qu’incomberaient ces frais énormes. M. Apjohn lui avait expliqué qu’il pouvait intenter au propriétaire du journal soit une action criminelle, soit une action civile avec demande de dommages-intérêts. M. Apjohn avait fortement insisté pour qu’il adoptât l’action criminelle. Elle lui coûterait moins cher, avait-il dit, et montrerait que le demandeur voulait simplement venger son honneur. Il dépenserait moins, parce que son intention serait moins de faire rendre un verdict, que de prouver, par sa présence devant la cour, qu’il n’avait peur de personne. S’il poursuivait en dommages-intérêts et que, comme il fallait s’y attendre, on ne les lui accordât pas, il aurait alors à supporter les frais à la fois comme demandeur et comme défendeur. Tels étaient les arguments que M. Apjohn avait fait valoir ; mais il avait considéré aussi que, s’il amenait le cousin Henry à attaquer les journalistes au criminel, la malheureuse victime ne pourrait plus se dérober. Dans ce cas, en effet, si le courage lui manquait au dernier moment, un agent de police le conduirait de force au banc des