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elle était délivrée. Mais voilà qu’Isabel était revenue et insistait pour rester dans la maison, — alors qu’elle pouvait faire autrement. Et puis, ces bottines commandées à Jackson, et toutes les dépenses que devaient occasionner un corps de plus à habiller, une bouche de plus à nourrir ! De plus, il était si évident qu’à Hereford on avait une grande estime pour Isabel, tandis qu’on ne pensait que peu de bien de ses filles à elle, ou même on ne s’en inquiétait pas du tout ! Il était inévitable qu’une femme du caractère de Mrs. Brodrick montrât une humeur fort désagréable dans les circonstances présentes.

« Isabel, lui dit-elle un jour, je ne vous ai pas parlé de quitter la maison.

— Personne n’a dit que vous m’en eussiez parlé, ma mère.

— Vous n’auriez pas dû entretenir votre père de votre idée d’être servante ailleurs.

— J’ai dit à papa que, si c’était son avis, je chercherais à gagner mon pain.

— Vous lui avez dit que je m’étais plainte de votre présence ici.

— Vous vous en êtes plainte en effet. Il fallait bien le lui dire pour lui faire comprendre mon intention. Je suis une charge, je le sais bien. Tout être humain qui mange et s’habille, sans rien gagner, est une charge. Et je sais que l’on m’en veut plus encore, parce que l’on avait espéré que j’entrerais dans une autre maison.

— Vous le pouvez encore, si vous le voulez.

— Mais je ne le veux pas. C’est une matière sur laquelle je n’accepte d’avis de personne. Voilà pourquoi je désirais m’en aller pour gagner mon pain. Comme je voulais garder ma liberté d’action, dans cette question d’argent, il était naturel que je supportasse les conséquences de ma conduite ; et je com-