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Isabel était allée trouver son père, quand sa belle-mère lui avait dit qu’elle était une charge pour la maison.

« Papa, lui avait-elle dit, permettez-moi de quitter la maison et de gagner quelque chose. Je puis toujours bien me procurer mon pain. »

M. Brodrick s’était fâché. Il avait désiré, lui aussi, hâter le mariage de sa fille avec M. Owen, pensant que, par amour pour son futur mari, elle accepterait l’argent. Il avait été ennuyé lui aussi de la persistance de ses refus. Mais il avait été bien loin de songer à chasser sa fille de la maison, ou à lui faire les reproches humiliants et cruels que sa femme n’hésitait pas à lui adresser.

« Ma chère enfant, lui avait-il répondu, je ne vois pas que cela soit nécessaire. Votre mère et moi ne pensons qu’à votre bonheur. Je crois que vous devriez prendre l’argent de votre oncle, sinon pour vous, du moins pour celui auquel nous espérons vous voir bientôt unie. Mais, laissant de côté cette question, vous avez le même titre que vos sœurs à rester ici, et jusqu’à votre mariage, cette maison sera la vôtre. »

Ces paroles soulagèrent le cœur d’Isabel, mais elles rendirent plus difficiles encore ses relations avec sa belle-mère. Mrs. Brodrick se soumettait habituellement à son mari et s’appliquait à lui obéir ; mais elle avait certaines idées à elle, desquelles elle ne voulait pas se départir. Elle considérait la présence d’Isabel dans la maison comme un tort qui lui était fait à elle-même. Quelques années avant, quand Isabel avait quitté Hereford, on lui avait donné à entendre que c’était pour toujours. Dès ce moment, plus de dépenses, plus d’ennuis, plus de jalousies relativement à Isabel. Le vieil oncle avait promis de pourvoir à son avenir ; c’était donc un souci dont