Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et un galant homme. Mais il ne pensait pas que le journal pût servir la cause d’Isabel et la sienne.

M. Owen se demandait si le rédacteur avait bien le droit d’agir comme il le faisait. Ses yeux ne lui montraient aucune preuve contre le cousin Henry. Il lui semblait injuste d’accuser un homme d’un grand crime, simplement parce qu’il était possible qu’un crime eût été commis, et parce que c’était à lui que le crime profitait, s’il avait été commis. Le plan qui consistait à amener un homme à se dénoncer lui-même, par les terreurs d’un interrogatoire, révoltait sa droiture. Le rédacteur ne lui semblait pas si estimable. Cependant il crut devoir cesser d’affecter, quant à la possession d’Isabel, cet air de certitude qu’il avait pris depuis que le cousin Henry était entré dans la jouissance de ses droits de propriétaire. Il avait pensé alors qu’Isabel était à jamais privée de l’héritage. Il apprenait maintenant que telle n’était pas l’opinion générale dans le comté de Carmarthen, et son intention n’était pas de demander la main de l’héritière de Llanfeare. Il reprenait l’attitude qu’il avait cru convenable de garder quand telle avait déjà été la position d’Isabel. Lorsque l’affaire serait définitivement réglée en faveur du cousin Henry, il reparaîtrait en prétendant.

Isabel était absolument certaine que le rédacteur avait raison. Ne se rappelait-elle pas les dernières paroles de son oncle, lui disant qu’il l’avait faite de nouveau son héritière, et n’avait-elle pas toujours devant les yeux la mine piteuse du misérable ? Elle était intelligente et raisonnable ; mais elle était femme, et avait le penchant de son sexe à suivre ses sentiments plutôt que l’évidence des faits. M. Owen lui avait dit que son oncle était bien faible d’esprit quand il avait prononcé ces paroles, que ses idées étaient sans doute confuses et sans