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point douteux qu’on n’y donnât créance à Carmarthen. Et pourquoi n’y donnerait-on créance, si l’on n’avait de fortes raisons de croire que quelqu’un s’était rendu coupable du crime odieux de détruire un testament ? Les cheveux de l’avoué se hérissaient presque sur sa tête, quand il parlait d’un acte aussi monstrueux ; il ne doutait pas cependant qu’il n’eût été commis. Un journal respectable comme la Gazette de Carmarthen mettrait-il tant d’acharnement dans ses attaques, s’il n’avait pas une certitude absolue ? En quoi toutes ces affaires importaient-elles à la Gazette ? La continuité des articles ne montrait-elle pas que les lecteurs étaient d’accord avec le journaliste ? Et le public de Carmarthen, s’il n’y avait aucun fondement, approuverait-il de semblables accusations ? Lui, homme de loi, était convaincu de la culpabilité du cousin Henry ; mais il convenait que les preuves manquaient. Si, pendant son séjour à Llanfeare, avant ou après la mort du vieillard, mais avant les funérailles, il avait mis la main sur le testament et l’avait détruit, comment pouvait-on espérer faire la preuve de la culpabilité ? Quant à l’idée d’amener, par la torture de l’interrogatoire, un homme à avouer un si grand crime, il la rejetait. Celui qui avait eu la force de détruire un testament aurait celle de résister aux pièges d’un avocat. Peut-être, s’il avait connu le cousin Henry, n’aurait-il pas pensé ainsi. Parmi toutes les possibilités qui se présentaient à son esprit, — et son esprit était plein alors de ces pensées, — aucune n’approchait de la vérité. Il souffrait de voir son enfant privée de son bien, de se voir ravir la gloire d’être le beau-père du possesseur de Llanfeare, et de ne pouvoir faire triompher des droits incontestables. Il était entièrement d’accord avec le rédacteur ; il lui était reconnaissant ; il le proclamait un noble cœur