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— J’ai aussi quelque chose à vous montrer, répondit le cousin Henry, et, si vous pouviez venir chez moi demain ou après-demain, je vous expliquerais tout.

— Eh bien, demain, dit le fermier. Après-demain je dois aller au marché à Carmarthen. Je serai chez vous à onze heures, si ce n’est pas trop tôt. »

Une heure, ou trois heures, ou cinq heures, ou même le surlendemain aurait plu davantage au cousin Henry, qui ne demandait qu’à reculer l’heure fatale. Il accepta pourtant la proposition et partit. Il s’était donc engagé à faire une révélation ; il ne pouvait plus éviter de la faire. Il avait un vif regret de sa sotte conduite pendant le dernier quart d’heure. Si quelque chose pouvait faire croire au vieux fermier que le testament avait été trouvé le matin même, c’était un récit fait comme sous le coup de l’émotion d’une découverte inattendue. Il sentait bien que sa maladresse et son manque d’énergie lui créaient à chaque pas de nouvelles difficultés. Comment pourrait-il maintenant prendre l’attitude d’un homme qui vient d’éprouver une violente surprise ? N’importe, il lui fallait poursuivre son plan jusqu’au bout ; c’était son unique moyen de salut. Le fermier ne le croirait pas ; mais au moins il pourrait ainsi fuir cet odieux Llanfeare.

Il veilla bien avant dans la nuit, pensant à tout cela. Depuis plusieurs jours, il n’avait pas touché le livre ni regardé le testament. Il s’était déclaré à lui-même que le papier resterait là, tant que le hasard ne le ferait pas découvrir. La chose ne le regardait plus. Pendant les quinze derniers jours, il avait conformé sa conduite à cette résolution. Mais maintenant tout était changé : il allait livrer le testament de sa propre main ; il fallait bien qu’il s’assurât qu’il était toujours là.