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le testament ? On le jugerait le plus honnête des hommes. Eh bien, il pouvait encore faire croire qu’il en était ainsi. Il avait pris le livre, dirait-il, pour y trouver quelque soulagement à sa peine, et voilà qu’il avait trouvé le papier dans les feuillets ! Personne ne le croirait. Il se disait que telle était déjà sa réputation dans le comté, que personne n’ajouterait foi à ses paroles. Mais, alors même qu’on ne le croirait pas, on accepterait assurément la restitution sans récriminations. Alors, plus de banc des témoins, plus d’avocat, plus de limier féroce, avide de le déchirer. Qu’on le sût ou non, on le laisserait aller. Au moins dirait-on de lui que, ayant le testament entre les mains, il ne l’avait pas détruit. Là-bas, à Londres, où l’on ne connaissait pas les détails de cette malheureuse affaire, on parlerait favorablement de lui. Et alors il aurait le temps et le loisir d’apaiser sa conscience par le repentir.

Mais à qui remettre le testament, et que dire en le remettant ? Il se savait malhabile à formuler un mensonge. C’était actuellement à M. Apjohn, et personne ne lui faisait peur comme M. Apjohn. S’il portait le livre et le papier à l’homme de loi et essayait de lui faire le récit préparé, en une minute M. Apjohn aurait tiré de lui la vérité ses yeux perçants et ses sourcils froncés le rendaient impuissant à tenir caché ce qu’il voulait dissimuler. Il ne trouverait ni reconnaissance, ni pitié, ni justice chez l’homme de loi : il accepterait la restitution, pour le fouler ensuite aux pieds. Ne vaudrait-il pas mieux aller à Hereford, sans parler à personne de son départ, et remettre l’acte à Isabel ? Mais Isabel l’avait outragé ; elle l’avait traité avec le plus absolu mépris. S’il craignait M. Apjohn, il haïssait sa cousine. S’il y avait encore dans son cœur un sentiment vigoureux, c’était la haine qu’il portait à Isabel.