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Sentant à la fin qu’il serait incapable de rassembler ses idées, tant qu’il demeurerait dans la bibliothèque, et comprenant en même temps qu’il lui fallait arrêter une ligne de conduite, il prit son chapeau et se dirigea vers les rochers.

Il avait un mois devant lui, juste un mois, avant le jour où il devait paraître au banc des témoins. Voilà ce qu’à tout prix il voulait éviter. Il résolut, quoi qu’il dût en résulter, de ne pas se soumettre à l’interrogatoire de ses adversaires. On ne pouvait le tirer de son lit, s’il s’y disait retenu par une maladie. On ne pouvait envoyer des agents de police à sa recherche, s’il se cachait dans Londres. À moins qu’il ne se déclarât lui-même coupable de connaître l’existence du testament, on ne pouvait produire aucune charge contre lui. Ou enfin, s’il avait seulement le courage de se précipiter des rochers, il serait certain d’échapper au moins ainsi à ses ennemis. Pourquoi toutes ces attaques dirigées contre lui ? Il se le demandait, assis sur les rochers, regardant la mer à ses pieds. Pourquoi toutes ces attaques ? Si l’on voulait que sa cousine Isabel eût la propriété, on n’avait qu’à la lui donner. Il ne désirait qu’une chose, pouvoir quitter ce pays maudit, n’en plus entendre parler et y être oublié. Ne pouvait-il renoncer à la propriété par un acte légal, et réduire au silence les voix ennemies qui s’élevaient contre lui ? Mais cela était possible sans qu’il eût besoin de recourir à un acte légal : il n’avait qu’à prendre le livre contenant le testament et à le remettre à l’homme de loi. Cela pouvait se faire ; et puisque personne ne savait d’une façon certaine qu’il connût l’existence de ce testament, il semblerait agir non seulement en honnête homme, mais en homme généreux. Quel jugement porterait-on sur lui si, réellement, c’était ce jour-là même qu’il découvrait