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avez, ou non, connaissance d’un testament disparu. »

En parlant ainsi, M. Apjohn s’arrêta et regarda bien en face son client. Il semblait faire lui-même l’interrogatoire que devait faire au cours du procès l’avocat des défendeurs. « Il vous demandera si vous avez connaissance du testament disparu. » Il s’arrêta de nouveau ; mais le cousin Henry ne dit rien. « Si vous n’en avez pas connaissance, si vous n’avez de ce chef aucune faute à vous reprocher, rien qui puisse vous faire pâlir sous le regard d’un juge, rien qui vous fasse redouter le verdict d’un jury, alors vous lui répondrez, les yeux fixés sur ses yeux, d’une voix claire et ferme, que votre propriété est à vous aussi légitimement qu’aucune autre dans le royaume. »

Chacune de ces paroles était une condamnation. Dans la pensée du cousin Henry, M. Apjohn se plaisait à le livrer à une torture affreuse, en lui représentant que le seul moyen d’échapper à l’infamie était de montrer une énergie dont il était absolument incapable. Il était évident pour lui que M. Apjohn voulait le mener adroitement non à une réhabilitation, mais à une honteuse défaite. M. Apjohn était venu à lui, se donnant hypocritement pour son conseiller et son ami ; mais, en réalité, il était ligué avec tous les autres pour le pousser à sa ruine. Il en était bien convaincu ; il le voyait dans les yeux, la physionomie, les gestes, la voix de son odieux visiteur. Il ne pouvait pourtant céder à un mouvement d’indignation et chasser cet homme de chez lui. Cette cruauté, cette barbarie était, selon lui, bien plus criminelle que tout ce qu’il avait pu faire lui-même.

« Eh bien ? dit M. Apjohn.

— Je crois comme vous qu’il faut en arriver là.

— J’ai vos pouvoirs alors ?