Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« M. Henry Jones a-t-il jamais entendu dire qu’un héritier se vît aussi mal accueilli à son entrée en possession ? »

Et ainsi de suite ; la liste des questions était interminable, et l’homme d’affaires les lut successivement d’une voix basse, lente, en accentuant, dans chacune, les mots importants. Certainement, jamais homme n’avait été soumis à un semblable martyre. Dans chaque ligne était une accusation de vol. Et pourtant il supporta cette torture. Quand M. Apjohn eut parcouru la série de ces abominables questions, il était toujours assis, silencieux, essayant de sourire. Que devait-il dire ?

« Avez-vous l’intention d’endurer tout cela ? demanda M. Apjohn avec ce froncement de sourcils qui causait tant d’épouvante au cousin Henry.

— Que dois-je faire ?

— Que devez-vous faire ? Tout, plutôt que de rester assis à dévorer silencieusement tant d’outrages. À défaut d’autre chose, je lui arracherais la langue du gosier, ou tout au moins la plume de la main.

— Comment le trouver ? Je n’ai jamais employé de procédés si violents.

— Ce n’est pas nécessaire. Je veux dire seulement ce que ferait un homme de cœur, s’il n’avait pas d’autres moyens de vengeance. C’est bien simple. Donnez-moi mission d’aller devant les magistrats de Carmarthen et de poursuivre le journal pour diffamation. Voilà ce que vous avez à faire. »

M. Apjohn parlait avec un ton d’autorité auquel il était presque impossible de ne pas obéir. Néanmoins, le cousin Henry essaya faiblement de résister. « Je serais engagé dans un procès.

— Un procès ! naturellement. Quel procès ne serait pas préférable à votre situation ? Il vous faut faire