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pour s’assurer la possession de la propriété. Il n’avait pas caché le testament dans le livre. Il n’avait pas entravé les recherches. Il n’avait rien fait qui l’empêchât de se considérer comme strictement innocent, et cela, jusqu’au moment où on l’avait invité, sans lui laisser un instant de réflexion, à mettre son nom au bas de cette déclaration. Ce souvenir lui revint alors qu’il était presque décidé à se lever pour aller prendre le livre. Puis il eut une autre pensée. Ne pouvait-il pas dire à M. Griffiths qu’il avait découvert le testament depuis le jour où il avait fait cette déclaration — qu’il l’avait découvert seulement ce matin-là ? Mais il avait senti qu’une semblable histoire ne rencontrerait aucune créance, et il avait craint de s’aliéner, par un mensonge évident, le seul ami qu’il eût. Il avait donc dit qu’il n’y avait pas de secret, — il l’avait dit après un long silence qui avait fait croire tout le contraire à M. Griffiths, — il l’avait dit avec un visage dont l’expression seule montrait assez quelle était la vérité.

Il savait bien que le fermier, en le quittant, doutait de sa bonne foi, bien plus, qu’il était convaincu de sa culpabilité. C’était ce qui était arrivé pour tous ceux qu’il avait rencontrés, depuis sa venue à Llanfeare. Son oncle, qui l’avait appelé, s’était détourné de lui ; sa cousine l’avait insulté ; les fermiers lui avaient refusé, sans motif, le respect qu’ils avaient eu pour leur ancien maître ; M. Apjohn l’avait regardé tout d’abord avec des yeux accusateurs ; ses serviteurs l’espionnaient ; cette gazette le mettait à la torture ; et voici que son seul ami l’avait abandonné. Il pensa que, s’il en avait le courage, le mieux serait bien de se jeter à la mer.

Mais il n’avait pas ce courage. La pensée qui dominait en lui était celle d’échapper aux horreurs d’une poursuite criminelle. S’il ne touchait pas au testament,