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mentait, pensait-il avec amertume, en disant qu’il ne quittait pas la pièce. Tous les jours, il errait par la propriété pendant une heure ou deux, sans parler d’ailleurs à personne, sans regarder personne. En cela, le journal avait dit vrai. Mais c’était à tort qu’on l’accusait de se tenir comme emprisonné, du moins depuis le jour où il avait reçu, à ce sujet, les reproches de la femme de charge. Personne ne touchait le livre. Il en était presque à penser que, laissât-il le papier ouvert sur la table, personne n’aurait l’idée de le lire. Et il était là, toujours caché dans les feuilles du livre de sermons, ce poids dont son cœur était oppressé, ce cauchemar qui le privait de sommeil, et il ne pouvait s’en délivrer ! Oui, vraiment, la propriété ! Oh ! que ne pouvait-il être rendu à sa vie de Londres, sa cousine étant dame et maîtresse de Llanfeare !

John Griffiths, de Coed, avait promis de lui faire visite ; mais trois semaines s’étaient passées déjà sans qu’il parût. Il vint un matin et vit son propriétaire seul dans la bibliothèque. « C’est aimable à vous, monsieur Griffiths, » dit le cousin Henry, faisant un effort pour prendre les manières dégagées d’un homme dont le cœur est léger.

« Je suis venu, monsieur Jones, dit le fermier d’un ton grave, pour vous dire quelques mots qu’il faut que l’on vous dise.

— Qu’est-ce donc, monsieur Griffiths ?

— Ce n’est pas, monsieur Jones, que je sois homme à me mêler des affaires des autres, surtout des affaires de mes supérieurs.

— J’en suis certain.

— Moins encore de celles de mon propriétaire. » Il s’arrêta alors ; mais, le cousin Henry ne pouvant trouver un mot à lui dire, soit pour l’arrêter, soit pour l’encourager à poursuivre, il fut forcé de conti-