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preuve d’après laquelle on pût l’inculper de crime capital où même de fraude. On ne pouvait le traîner devant la cour. Mais il savait que tout le monde s’attendait à le voir paraître, s’il était un honnête homme, devant la justice, à dénoncer la calomnie et à défendre ainsi l’honneur de son nom. Et comme il manquait chaque jour à remplir ce devoir, il avouait lui-même sa culpabilité. Et cependant, il ne pourrait paraître en justice, il le savait bien.

N’y avait-il aucun moyen de sortir de cette horrible position ? Il voyait bien maintenant que la propriété, si considérable qu’elle fût, lui coûtait plus de tourments qu’elle n’avait de valeur pour lui. Non, elle n’avait plus de valeur à ses yeux. C’était un bien maudit dont il se serait vite débarrassé, s’il pouvait seulement se dégager de toutes ces difficultés, conséquences de l’héritage. Mais comment sortir de cette position ? S’il tirait le testament du livre, s’il le portait lui-même à Carmarthen, se déclarant prêt à livrer la propriété à sa cousine, n’y aurait-il encore personne pour penser et pour dire que le testament avait été en sa possession depuis la mort de son oncle, et que la peur seule l’avait amené à s’en défaire ? N’y aurait-il personne pour penser et pour dire qu’il l’avait caché de ses propres mains ? Serait-il encore l’homme désintéressé et généreux dont on aurait admiré les nobles sentiments, si, lors de la lecture du testament, il avait remis à M. Apjohn le livre et l’important papier qu’il contenait ?

Il pensait avec consternation à la sottise qu’il avait faite de laisser échapper l’occasion d’une si glorieuse conduite. Maintenant, il ne voyait plus d’issue. Il avait beau quitter tous les jours la chambre aux livres, personne ne trouvait le testament. Si quelqu’un avait mis la main sur le papier, il l’aurait béni ; mais non, personne ne le trouvait. Cet infâme journal