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avaient changé d’avis. Quant au cousin Henry, il était trop faible de caractère, il avait trop peur, il était trop complètement absorbé par l’horreur de sa situation, pour leur demander quand elles s’en iraient.

Il comprenait parfaitement à quoi visait le journaliste qui l’attaquait ainsi, et sentait vivement le danger de sa position. On disait de lui certaines choses, on insinuait certaines accusations qu’en lui-même il déclarait être fausses. Il n’avait ni détruit ni même caché le testament. Il avait eu l’idée bien innocente de prendre un livre laissé sur une table et de le remettre à sa place. Quand tous ces fureteurs étaient venus à Llanfeare faire si négligemment des recherches mal conduites, il n’avait pas dissimulé le livre. Il l’avait laissé sur son rayon, à portée de leurs mains. Qui donc oserait dire qu’il avait été coupable ? Si l’on trouvait maintenant le testament, qui pourrait avoir raisonnablement la pensée de l’accuser de fraude ? Alors même qu’on saurait tout, on ne pourrait que le proclamer innocent, à moins qu’on n’eût, par impossible, surpris ce furtif coup d’œil qu’il lançait par moments du côté du livre. Et pourtant il se connaissait assez pour savoir qu’il manquerait d’énergie et d’assurance devant une cour de justice, et perdrait la tête, s’il lui fallait répondre aux questions insidieuses et soutenir les regards malveillants de l’avocat de son adversaire. Ses jambes ne le porteraient pas, quand il aurait à traverser la salle. Les paroles ne sortiraient pas de sa bouche, il tremblerait, frissonnerait et défaillirait devant l’assistance. Il lui était plus facile de se jeter dans la mer du haut des rochers où il avait eu un songe, que de se rendre dans une cour de justice, pour y raconter à sa façon l’histoire du testament. On ne pouvait le forcer à y aller. L’action, s’il y en avait une, devait être intentée par lui. Il n’existait aucune