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dres ou les menus morceaux du papier, auraient été retrouvés. Que M. Apjohn crût ou ne crût pas à ce qu’il présentait comme possible, il y en avait qui n’y croyaient pas du tout. Parmi les fermiers et les domestiques, à Llanfeare, le sentiment commun était qu’un acte coupable avait été commis. Ceux que leur caractère ne portait pas à des jugements malveillants, comme John Griffiths, de Coed, pensaient que le testament était encore caché, et que probablement il serait trouvé un jour. Les autres étaient convaincus qu’il était tombé entre les mains du possesseur actuel de la propriété, qui, au prix d’un crime, avait réussi à le détruire. Personne ne soupçonnait la vérité. Comment concevoir l’idée que l’héritier illégitime était là, le testament devant les yeux, presque sous la main, sans l’avoir détruit, et sans en avoir révélé l’existence ?

Au nombre de ceux qui avaient la plus mauvaise opinion du cousin Henry étaient les deux Cantor. Quand on a vu faire une chose, il est naturel que l’on soit porté à y croire, surtout si l’on a contribué soi-même à la faire. Ils avaient été choisis pour signer comme témoins le testament ; ils ne doutaient pas que le testament n’existât à la mort du vieillard. Depuis, il avait pu être détruit ; il l’avait été, pensaient-ils. Mais ils ne pouvaient se figurer qu’une si grande injustice demeurât sans châtiment, et que le préjudice qu’elle causait ne fût pas un jour réparé. Ne suffirait-il pas qu’un juge sût qu’ils avaient servi de témoins pour un testament, eux gens honorables, et que ce testament était en opposition avec celui qui venait d’être à tort déclaré valable ? Le jeune Cantor surtout ne se gênait pas pour le dire bien haut, et il ne manquait pas d’oreilles à Carmarthen qui recueillaient avidement ses paroles.

La Gazette de Carmarthen, journal très estimé