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« Vous avez, d’un côté, l’homme prêt à vous épouser, de l’autre, l’argent. Il ne faut pas deux yeux pour voir quel est votre devoir. »

Isabel ne le voyait pourtant pas si clairement. Ce ne pouvait être un devoir pour elle d’accepter un présent d’argent de l’homme qu’elle supposait l’avoir dépouillée frauduleusement de la propriété. Ce ne pouvait être un devoir pour elle d’apporter la pauvreté à l’homme qu’elle aimait, et surtout après qu’elle avait refusé de lui apporter la richesse. C’était évidemment son devoir, à ce qu’elle pensait, de ne pas être une charge pour son père, puisqu’elle lui avait promis que cela ne serait jamais. C’était son devoir de gagner le pain qu’elle mangerait, ou de n’en pas manger du tout. Disposée comme elle l’était à ce moment, elle aurait quitté la maison sur-le-champ, si quelqu’un avait voulu l’accepter comme fille de cuisine. Mais il n’y avait personne pour la prendre. Elle avait questionné son père sur ce sujet, et il avait accueilli en se moquant l’idée qu’elle gagnât son pain. Quand elle avait parlé de service, il s’était fâché. Ce n’était pas ainsi, avait-il dit, qu’elle pouvait le soulager ; il n’éprouvait pas le besoin de voir sa fille servante ou même gouvernante. Ce n’était pas par de semblables moyens qu’elle pouvait améliorer la position des siens. Ce qu’il voulait, c’était l’amener à penser comme lui, à accepter le large revenu qui était à sa disposition, à devenir la femme d’un galant homme que chacun estimait. Mais, en ce moment, il était bien indifférent à Isabel qu’en acceptant d’être domestique elle déconsidérât sa famille. On lui avait dit qu’elle était un fardeau : elle voulait cesser de l’être.

Elle y pensa toute la nuit, et résolut de consulter M. Owen lui-même. Il serait facile, pensait-elle, ou tout au moins possible, de lui faire comprendre qu’il