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Le lecteur comprendra peut-être combien Isabel dut souffrir en écrivant ces lignes ; mais le cousin Henry ne le comprit pas du tout.



CHAPITRE XII

m. owen


Isabel passa à Hereford quatre semaines bien tristes avant le retour de M. Owen. La perspective de ce retour ne diminuait en rien sa peine et ses embarras. Elle connaissait parfaitement la position de fortune de M. Owen, et se disait à elle-même qu’il aurait tort de se marier avec si peu de ressources. Quant à elle-même, elle ne se reconnaissait pas les qualités nécessaires à une femme qui épouse un mari pauvre. Elle se croyait capable de mourir de faim sans se plaindre, si elle y était réduite. Elle se croyait capable de travailler depuis le matin jusqu’à la nuit, et cela pendant des semaines et des mois, sans laisser voir ni fatigue, ni ennui ; mais elle ne se croyait pas femme à montrer un visage toujours souriant à un mari portant des habits usés, ni à partager, avec cette tendresse naturelle que ne diminue pas le souci de la pauvreté, une nourriture à peine suffisante entre des enfants nombreux. Mourir et en finir, si c’était possible, voilà le seul remède à ses maux auquel elle pensât pour le moment. Aussi ne se sentait-elle pas consolée par cette arrivée prochaine de l’homme qui l’aimait, et dont ses jeunes sœurs lui parlaient sans cesse. Elle avait refusé