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Elle resta longtemps à réfléchir sur ces paroles, se demandant s’il avait raison, si elle devait se repentir de la dureté qu’elle lui avait montrée. Elle se rappelait bien ce qu’elle avait dit : « On accepte un don de ceux que l’on aime, mais non de ceux qu’on méprise. »

C’étaient de dures paroles, qui ne pouvaient se justifier que si la conduite de son cousin avait été en effet, digne d’un profond mépris. Ce n’était pas parce que le pauvre garçon avait montré peu d’énergie, parce qu’il avait attristé les derniers jours de son oncle, en lui faisant voir qu’il était dépourvu de tout sentiment généreux, parce qu’il avait été absolument différent de ce que devait être, selon elle, le maître de Llanfeare, qu’elle lui avait répondu par ces paroles écrasantes : c’était parce que, à ce moment, elle l’avait cru mille fois pire que tout cela.

Fondant son aversion sur la preuve qu’elle avait, ou qu’elle croyait avoir, elle avait, dans sa pensée, formulé contre lui une terrible accusation. Elle ne pouvait lui dire en face qu’il avait dérobé le testament, elle ne pouvait l’accuser d’un crime, mais elle avait employé, aussitôt qu’elles s’étaient présentées à son esprit, les expressions les plus propres à faire comprendre à son cousin qu’il était, dans son estime, aussi bas qu’un criminel. Et cela, elle l’avait fait au moment où il s’efforçait d’accomplir ce qu’on lui avait présenté comme un devoir. Maintenant, il lui marquait son irritation et lui faisait de vifs reproches, ce qui était bien naturel de la part d’un homme si cruellement injurié.

Elle le haïssait, elle le méprisait, et, dans son cœur, le condamnait. Elle croyait toujours qu’il avait été coupable. S’il ne l’avait pas été, des gouttes de sueur n’auraient pas coulé sur son front ; il n’aurait pas passé soudainement de la rougeur à la pâleur,