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faisait que de mauvaise grâce, elle était décidée à supporter les plus dures privations ; mais elle n’accepterait jamais un don de son cousin. Un acte avait été accompli, elle en était convaincue, acte criminel, et le coupable était son cousin Henry. Elle seule avait entendu les dernières paroles de son oncle, et elle avait observé attentivement la contenance de l’héritier pendant la lecture du testament. Son opinion était arrêtée. Son père aurait beau dire, sa belle-mère aurait beau la regarder avec des yeux où se lirait l’avidité, rien ne ferait : elle n’accepterait pas un sou de son cousin. Dût-elle mourir de faim dans les rues, elle ne prendrait pas un morceau de pain des mains de son cousin Henry.

Elle fut la première à parler de l’héritage, le lendemain de son arrivée. « Papa, dit-elle, il n’y a rien pour moi. »

M. Apjohn, dévoué aux intérêts de la famille, avait écrit à M. Brodrick pour lui exposer toute l’affaire ; il lui avait parlé du legs de quatre mille livres, en disant qu’il n’y avait pas de fonds sur lesquels on pût prendre librement cette somme, mais que, étant données les circonstances dans lesquelles il héritait, il n’était pas possible que M. Henry Jones ne se déclarât pas responsable du payement de ce legs. Puis était arrivée une nouvelle lettre, annonçant que l’héritier prenait en effet cet engagement.

« Si, Isabel, il y aura quelque chose pour vous, » dit son père.

Elle sentit alors que la lutte allait commencer, et elle résolut de la soutenir. « Non, papa, pas un sou.

— Si, ma chérie, si, » dit-il en souriant. « J’ai reçu un avis de M. Apjohn et je suis au courant de tout. L’argent, sans doute, n’est pas encore disponible ; mais votre cousin est tout prêt à charger la pro-