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parla de la propriété et de la clause qui lui était relative dans le testament qui venait d’être enfin validé. Il faut dire qu’Isabel était reçue dans la maison un peu comme une étrangère. Sa belle-mère ne désirait nullement sa présence, ses frères et sœurs la désiraient à peine, et son père lui-même n’avait pas vivement souhaité sa venue. Elle et sa belle-mère ne s’étaient jamais beaucoup aimées. Isabel était intelligente ; elle avait l’esprit élevé, mais un caractère énergique, impérieux, quelquefois rude. On peut dire qu’elle était de tous points une femme distinguée. On n’en pouvait pas dire autant de la seconde Mrs. Brodrick ; et, telle était la mère, tels étaient les enfants. Le père était de bonne naissance et de bonne éducation ; mais son second mariage l’avait fait un peu déchoir de sa condition, et il s’était mis au niveau de sa situation nouvelle. Plusieurs enfants étaient nés, et la famille s’était accrue plus vite que le revenu. Aussi l’avoué n’était-il pas riche. Tel était l’intérieur qu’Isabel avait été appelée à quitter, quelques années auparavant, pour aller vivre à Llanfeare comme l’enfant chérie de son oncle. Là, sa vie avait été bien différente de celle que l’on menait à Hereford. Elle avait vu peu de monde, mais elle était devenue l’objet d’une grande considération, presque d’une sorte de culte, de la part de ceux qui l’entouraient. Elle devait être, elle méritait d’être la dame de Llanfeare. Tous les fermiers l’avaient estimée et aimée. Sur les serviteurs, elle avait toute autorité. Même à Carmarthen, quand elle y paraissait, on la regardait comme l’héritière reconnue, qui devait, avant peu, être maîtresse de Llanfeare. On disait d’elle, avec raison, qu’elle avait de grandes qualités. Elle était charitable, soucieuse de ce qui intéressait les autres, oublieuse d’elle-même ; elle accomplissait scrupuleusement tous ses devoirs, par-dessus tout