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parce que je devrai partir après votre mort ? Croyez-vous que, dans mon cœur, je doive accuser votre justice et votre bonté ? Jamais ! C’est un accident relativement de peu d’importance, qui ne m’atteint pas dans mes sentiments ; mais être la femme d’un homme que je méprise !… » Là-dessus, elle se leva et sortit de la salle.

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Un mois s’écoula avant que le vieillard reprît le même sujet. Il le fit assis dans la même pièce, à la même heure du jour, à quatre heures environ, quand la table eut été desservie.

« Isabel, dit-il, il n’y a pas d’autre parti à prendre.

— À propos de quoi, oncle Indefer ? »

Elle savait très bien à propos de quoi il avait pris un parti. S’il s’était agi d’un service que la jeune femme pût rendre à son vieil oncle, il n’y aurait eu entre eux aucune hésitation, aucune réticence. Jamais fille ne fut plus tendre, jamais père plus confiant. Mais, sur ce sujet, elle ne voulait répondre qu’à des questions nettement posées.

— À propos de votre cousin et de la propriété.

— Alors, au nom de Dieu, ne vous tourmentez pas davantage, et n’attendez aucune aide de qui ne peut vous en donner. Vous pensez que la propriété doit passer à un homme et non à une femme ?

— Je voudrais qu’elle allât à un Jones.

— Je ne suis pas un Jones, ni destinée à le devenir.

— Vous m’êtes une parente aussi proche et mille fois plus chère que lui.

— Mais cela n’empêche pas que je ne suis pas un Jones. Mon nom est Isabel Brodrick. Une femme qui n’est pas née Jones peut avoir la bonne chance de le devenir par le mariage mais ce ne sera jamais mon cas.